Après 18 ans d'ancienneté, elle est licenciée pour manque d'heures actives en télétravail

13 septembre 2024 17:29

© Canva
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Le 20 février 2024, Suzie Cheikho, une Australienne a été licenciée après 18 années de service passées dans la même entreprise. La raison invoquée ? Une surveillance étroite de son activité en télétravail, qui a révélé un nombre insuffisant d'heures actives. Ce licenciement soulève des questions sur la manière dont les entreprises surveillent et gèrent le travail à distance, un mode de travail en pleine expansion depuis la pandémie de COVID-19.


Le recours à la surveillance numérique : une pratique de plus en plus courante

Le télétravail (dans des domaines aussi variés que : l'administration et la gestion, l'informatique,  la formation etc.) qui s'est imposé dans de nombreuses entreprises au cours des dernières années, a transformé la relation entre employeurs et employés. Si les avantages sont nombreux, notamment en termes de flexibilité et d'équilibre entre vie professionnelle et personnelle, il pose aussi des défis, notamment sur la question du suivi de la productivité. Pour pallier les incertitudes liées au travail à distance, certaines entreprises ont recours à des outils de surveillance, notamment pour suivre le temps que les employés passent effectivement à travailler. De nombreux logiciels permettent de suivre les activités sur ordinateur, comme les frappes au clavier, l'utilisation des logiciels de travail, les connexions aux réseaux internes, ou encore les interactions par messagerie instantanée. Si ces outils peuvent offrir une vision plus claire des performances de chacun, ils posent toutefois des questions éthiques sur la protection de la vie privée et la confiance dans la relation de travail.

C’est dans ce contexte que la compagnie d’assurance australienne “Insurance Australia Group” (IAG) a licencié Suzie Cheikho, chargée de la création de documents d'assurance et du respect des délais, après 18 ans de bons et loyaux services. A l'instar de nombreuses entreprises, IAG a choisi de surveiller ses employés à distance, particulièrement après avoir exprimé des inquiétudes quant à la productivité de Suzie Cheikho en télétravail.

Quand la mesure des frappes au clavier devient un motif de licenciement

Après 49 jours de surveillance, Suzie Cheikho a été licenciée le 20 février de cette année par IAG, qui a avancé plusieurs raisons pour justifier cette décision. L'entreprise a relevé des retards dans le respect des délais, des absences à des réunions cruciales, ainsi que des tâches non accomplies dans les temps. La situation s'est envenimée lorsqu'une de ses erreurs a conduit à une amende infligée à l'entreprise. IAG a ainsi conclu qu'elle ne répondait plus aux attentes de performance.

Cependant, ce qui a véritablement scellé le sort de Suzie fut le suivi minutieux de son activité de frappe sur clavier. Son employeur a relevé une "très faible activité de frappe au clavier", selon la Commission australienne du travail équitable qui a examiné la validité du motif de licenciement. Avant de rendre son verdict, une évaluation sur les activités de l'ancienne employée a été effectuée par la commission. Durant ces 49 jours de surveillance, des périodes d'inactivité prolongées ont été enregistrées : aucune frappe pendant 117 heures en octobre, 143 heures en novembre, et 60 heures en décembre. Malgré ses explications concernant des problèmes techniques et l'utilisation d'autres appareils, la Commission australienne du travail équitable a jugé que ces manquements justifiaient son licenciement. Suzie, quant à elle, conteste vigoureusement la décision, affirmant qu'elle a été ciblée en raison de ses problèmes de santé mentale. Se disant "confuse et choquée", elle a toutefois admis que "parfois la charge de travail est un peu lente", mais qu'elle n'a "jamais 'chômé". Elle a tenté de justifier ce rythme jugé insuffisant par son employeur en expliquant : "Je vais peut-être faire les magasins de temps en temps, mais ce n'est pas pour toute la journée.”

"En 18 ans de travail là-bas, je n'ai reçu qu'un seul avertissement.", a précisé Suzie Cheikho. Ce premier rappel à l'ordre, qui datait de novembre 2022, portait sur sa performance au travail, comme l'a souligné la Commission du travail équitable. Par la suite, la jeune femme a été placée sous un plan d'amélioration des performances, avec l'utilisation d'un logiciel qui a permis de mieux évaluer son activité.

L’affaire ayant été surmédiatisée, dépassant largement les frontières de l’Australie, Suzie Cheikho exprime également son inquiétude quant aux répercussions que cette affaire pourrait avoir sur ses futures opportunités professionnelles.

La surveillance des salariés en télétravail est strictement encadrée

Le licenciement sans ménagement de  Suzie Cheikho après près de deux décennies de travail au sein de la même entreprise a fait l'objet d'un vif débat en Australie sur la surveillance des employés en télétravail. De nombreux observateurs estiment que l’entreprise aurait dû explorer d'autres solutions avant de prendre une décision aussi radicale, notamment en engageant un dialogue plus poussé avec l’employée sur ses méthodes de travail et ses éventuels besoins d’accompagnement.

Ce cas met en évidence les limites de la surveillance numérique en tant que critère de performance. Si elle peut détecter certains écarts, elle ne tient pas compte de facteurs humains essentiels tels que la qualité du travail, la gestion du stress, ou encore les contraintes personnelles auxquelles peuvent être confrontés les télétravailleurs.

Avec l’essor du télétravail, de nombreuses législations encadrent désormais les droits et devoirs des employeurs et des salariés. En France, par exemple, le Code du travail exige que toute surveillance soit proportionnée et transparente. Les employeurs sont tenus d’informer les employés des moyens de surveillance utilisés, qui ne doivent en aucun cas empiéter sur leur vie privée. Les salariés ne peuvent donc jamais être surveillés à leur insu.

D'autres pays, comme l’Australie, mettent en place des lois similaires pour protéger les travailleurs tout en permettant aux entreprises de maintenir la productivité. En général, ces lois visent à équilibrer le besoin de surveillance des entreprises avec le respect de la vie privée des employés. 

Télétravail et confiance : un équilibre à trouver

Le télétravail repose, en grande partie, sur la confiance entre l'employeur et l'employé. La surveillance excessive peut nuire à cette confiance et engendrer un climat de suspicion, avec des effets négatifs sur la motivation et la productivité des employés. De plus, la surveillance numérique ne doit pas remplacer le rôle des managers, qui doivent veiller à maintenir une communication régulière, offrir du soutien, et évaluer les performances sur des critères variés.

Le cas de cette Australienne rappelle également l'importance d'établir des attentes claires en matière de télétravail. Les entreprises doivent fixer des objectifs de performance réalistes et transparents, tout en reconnaissant que le télétravail implique parfois une organisation différente du travail que celle au bureau. Les employés, de leur côté, doivent être conscients des outils de suivi utilisés et des attentes de leur employeur en matière de productivité.

Cette situation rappelle également la nécessité d’une approche plus humaine dans la gestion des équipes à distance, en mettant l'accent sur le dialogue, l'accompagnement, et des critères de performance diversifiés, plutôt que sur une surveillance numérique stricte. Le défi pour les employeurs est de s'adapter à cette nouvelle réalité du travail tout en préservant un climat de confiance et de respect mutuel.

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