Riche ou pauvre ? L’Insee présente son rapport 2024 sur les revenus des ménages français

25 octobre 2024 10:26

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Le jeudi 17 octobre 2024, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié un rapport détaillé sur les revenus et le patrimoine des ménages en France. Ce rapport offre un panorama précis de la situation économique des foyers français et met l’accent sur les tendances qui façonnent l’évolution des inégalités. L’édition de 2024 souligne particulièrement l’accroissement des écarts de niveaux de vie, une tendance amorcée dès les années 1990.


Un pouvoir d’achat en hausse 

Le rapport de l’Insee révèle que lors des épisodes de récession économique (1975, 1993, 2008, 2020), le pouvoir d’achat s’est plutôt maintenu alors que le PIB (Produit Intérieur Brut) diminuait. Cela s’explique en grande partie par le système de protection sociale (minima sociaux, allocations chômage, etc.) qui a atténué l’impact des chocs économiques classiques (1975, 1993 et 2008) sur le revenu des ménages et a eu pour contrepartie une dégradation du déficit public. En 2020, malgré la récession économique inédite liée à la pandémie de Covid‑19, le pouvoir d’achat des ménages par UC (Unité de Consommation) et le niveau de vie médian sont restés globalement stables, grâce notamment à la mise en place de mesures massives de soutien au revenu (extension de la prise en charge de l’activité partielle, fonds de solidarité à destination des indépendants, etc.).

L’une des principales constatations du rapport de l’Insee concerne la hausse des salaires en 2023. En effet, les rémunérations ont été tirées vers le haut, en grande partie grâce à la revalorisation du Smic (+5.4% en moyenne sur l’année) et à l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique (+ 2.4%). Malgré la forte hausse du RDB (Revenu Disponible Brut), le pouvoir d’achat des ménages ne progresse que de 0.8% en 2023, en lien avec la nette reprise de l’inflation (+7.1 % en 2023, contre +4.9% en 2022 et +0.8 % en moyenne entre 2011 et 2021). 

La hausse des prix est particulièrement marquée pour les produits énergétiques (gaz et électricité, +16.9%) et les produits agroalimentaires (+12.8%). Cet indicateur global ne reflète toutefois pas l’évolution individuelle moyenne du pouvoir d’achat. Rapporté au nombre d’Unités de Consommation (UC) pour tenir compte de l’évolution du nombre et de la composition des ménages, le pouvoir d’achat croît de 0.3% en 2023, après avoir diminué de 0.4% en 2022. Sur une longue période, le pouvoir d’achat a été multiplié par 5.3 depuis 1960.

L’inflation est devenue le principal frein à l'amélioration du pouvoir d'achat. Bien que les salaires aient augmenté, la montée des prix a largement compensé ces gains. En d'autres termes, les ménages ont vu leurs revenus croître, mais cette hausse a été absorbée par l’augmentation des dépenses quotidiennes.


Niveau de vie et inégalités : 50 ans d'évolution

A partir de 1975, le niveau de vie moyen a globalement augmenté, en partie grâce à une croissance économique relativement stable au fil des décennies. Toutefois, cette amélioration n'a pas été uniforme pour l'ensemble des ménages, et les inégalités se sont accentuées, particulièrement depuis les années 1990.

En effet, le rapport de l’Insee constate que depuis le milieu des années 70, en France métropolitaine, le niveau de vie médian augmente : +66 % en euros constants entre 1975 et 2021, soit une croissance annuelle moyenne de 1.1%. Néanmoins, cette progression nʼa pas été homogène : forte dans la seconde moitié des années 1970 et dans une moindre mesure au tournant des années 2000, elle a nettement ralenti de 1979 à 1997, puis pendant la décennie qui a suivi la crise de 2008.

Dans le même temps, les inégalités de niveau de vie ont fortement diminué jusqu'au début des années 1990. Elles augmentent légèrement depuis. Entre 1975 et 1979, la progression du niveau de vie médian (en euros constants) est particulièrement forte, dans la continuité des Trente Glorieuses (+3.4% par an en moyenne). La hausse du niveau de vie profite à l’ensemble de la population, mais plus encore aux personnes les plus modestes. Les bas revenus ont bénéficié d’un rattrapage : les hausses du Smic et du minimum vieillesse ont été fortes et de nouvelles générations de retraités sont arrivées avec des carrières professionnelles plus longues et des pensions de retraite plus élevées. En conséquence, les inégalités de niveau de vie se sont fortement réduites. Dans les années 1980, les difficultés économiques consécutives au second choc pétrolier freinent nettement la progression du niveau de vie. La baisse des inégalités se poursuit, mais son ampleur se réduit nettement.

Entre 1990 et 1996, le niveau de vie médian progresse en moyenne de 0.3% par an. Lors de la reprise économique de la fin des années 1990, le niveau de vie médian retrouve une croissance soutenue : il augmente en moyenne de 2.1% par an entre 1997 et 2002. Cependant, alors que les niveaux de vie augmentent de façon soutenue, les inégalités ne diminuent pas nettement. Entre 2002 et 2008, période marquée successivement par un ralentissement puis une reprise économique, le niveau de vie médian augmente en moyenne de 1% par an et les inégalités remontent légèrement. Le niveau de vie médian stagne ensuite pendant la décennie qui suit la crise économique de 2008. 

Depuis 2018, le niveau de vie médian progresse de nouveau (+1.4% en moyenne annuelle entre 2018 et 2021), soutenu notamment par la baisse du chômage et les mesures de soutien au niveau de vie des ménages (bascule entre CSG et cotisations sociales, revalorisation de la prime d’activité, allégement du barème de l’impôt sur le revenu, suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, mesures exceptionnelles durant la crise sanitaire). Dans le même temps, les inégalités remontent en 2021. 


A quel seuil commence la pauvreté ?

Le seuil de pauvreté s’établit à 1 216€ par mois en 2022, stable en euros constants par rapport à 2021. Il illustre la frontière entre une situation financière stable et une situation de vulnérabilité économique. Pour les millions de personnes dont les revenus se situent en dessous de ce seuil, la vie quotidienne est marquée par des difficultés pour subvenir à leurs besoins essentiels : logement, alimentation, santé et éducation. 

Ainsi, le rapport de l’Insee a établi que, 9.1 millions de personnes vivent avec un niveau de vie inférieur à ce seuil en 2022, soit 14.4 % de la population, un niveau proche de celui de 2021. L’intensité de la pauvreté, c’est‑à‑dire l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté, a fortement fluctué depuis 2020. L’indicateur a reculé en 2022, passant de 20.2 % en 2021 à 19.3 %.

Les populations les plus exposées au risque de pauvreté demeurent les chômeurs (35.3 %), les familles monoparentales (31.4%), les couples avec trois enfants ou plus (24.6%) et les enfants de moins de 18 ans (20.4%). La revalorisation de l’Allocation de Soutien Familiale (ASF) intervenue en novembre 2022 contribue toutefois à soutenir le niveau de vie des familles monoparentales les plus modestes dès 2022. Son effet sera pleinement visible à partir de 2023.

En 2021, les salariés ont, parmi les actifs, le taux de pauvreté le plus faible (6.3%). Les indépendants sont quant à eux beaucoup plus exposés que les salariés au risque de pauvreté (14.6%), même si ce risque baisse depuis 1996. La situation des indépendants est toutefois difficile à appréhender par l’approche monétaire : une partie de leurs dépenses de consommation peut être intégrée directement dans les comptes de leur société ou de leur exploitation agricole (dépenses d’énergie ou de logement par exemple).

Le taux de pauvreté des retraités vivant à domicile (10.9%) demeure en dessous de la moyenne nationale en 2021, mais il augmente progressivement depuis 2014 (point bas à 8.1%). Plus globalement, les pensions de retraite sont souvent supérieures au seuil de pauvreté et les retraités disposant d’une pension faible peuvent bénéficier de lʼallocation de solidarité aux personnes âgées (Apsa, ou minimum vieillesse) dont le montant sʼélève en moyenne en 2021 à 907€ par mois pour une personne seule, et qui peut être complétée par des aides au logement pour les ménages locataires. Néanmoins, depuis 2014, les pensions de retraite progressent un peu plus lentement que les revenus dʼactivité, entraînant mécaniquement une augmentation du taux de pauvreté des retraités. La pension nette moyenne représentait 66 % du revenu dʼactivité net moyen en 2014, contre 62% en 2021 du fait notamment de mesures de gel ou de sous‑indexation des pensions de retraite.

A l’inverse, note le rapport de l’Insee, le taux de pauvreté est le plus faible pour les couples sans enfant (7%), avec un seul enfant (7.6 %) ou avec deux enfants (9%), et les couples dont la personne de référence a plus de 65 ans (6.6%). En fait, en prenant en compte les communautés, les habitations mobiles, les sans‑domicile et les étudiants, environ 11.2 millions de personnes seraient en situation de pauvreté en France. 


La pauvreté et les inégalités s'intensifient dans les zones à forte densité

Selon l’Insee, en 2021, les niveaux de vie médians sont les plus élevés à Paris, dans les départements des Hauts‑de‑Seine et des Yvelines (plus de 28 000€ par an). En dehors de l’Île‑de‑France, ce niveau n’est atteint qu’en Haute‑Savoie, où résident de nombreux travailleurs transfrontaliers. En revanche, les niveaux de vie médians sont les plus faibles en Seine‑Saint‑Denis et dans les DOM (moins de 20 000€ par an).

Et, toujours d'après le rapport de l’Insee, le taux de pauvreté est relativement faible dans les départements de la façade atlantique (moins de 13%). La proportion de personnes pauvres est, par contre, la plus forte dans les DOM, le nord de la France (Aisne, Ardennes, Nord, Pas‑de‑Calais), le Val dʼOise, en Seine‑Saint‑Denis, mais également dans les départements de la façade méditerranéenne (Pyrénées‑Orientales, Aude, Hérault, Gard, Bouches‑du‑Rhône, Vaucluse).

Les inégalités au sein des territoires augmentent avec le niveau de densité des communes. Le taux de pauvreté est plus faible dans les ceintures urbaines, dans les territoires ruraux périurbains et dans les communes urbaines en dehors des centres urbains. En revanche, dans les grands centres urbains comme Paris, le taux de pauvreté est plus élevé. En effet, les plus aisés et les plus pauvres résident davantage dans les grandes villes. Le taux de pauvreté y est très supérieur à la moyenne nationale (19.1%). 

Source des informations : Insee - Les revenus et le patrimoine des ménages 
Édition 2024

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